Paysage et érotique du buisson.
Je pense le paysage en parcours d’errances et de nomadismes possibles et probables. Porteur de signes, il dévide des horizons sans cesse renouvelés. J’aime l’errance des abandons et des promenades improvisées, la dérive des parcours, le déroulé des rêves d’une rive à l’autre en mesure du pas et des scansions de sol.
Le pas se cale et se coule à la densité des sols en une mesure frottée, caressante et réitérée… La vision se fait nomade, incréée et se fond aux textures du paysage. Le souffle s’amplifie, hésite, frémit, puis s ‘établi en une lente houle qui chaloupe alors l’insertion du corps aux épaulements et serpentements des terrains.
Les peaux s’apprivoisent. Les souffles, vents, brises et soupirs des corps et des lieux signent des correspondances en une reconnaissance aisée qui s’établit dans la justesse de l’allure.
Qui vient à la rencontre de qui, le promeneur ou le chemin, le pas ou le terrain,( le texte ou le penser) l’image du lieu où le désir d’image et sa dissolution dans la continuité des flux de l’arpentage.
Le regard du promeneur est goulu, vorace et gourmet, il met en bouche les corps d’images paysagères, bois, herbes, lacs, sols, nuages, terres, branchages et leurs singuliers agencements.
La promenade comme art est une mastication lente d’images et de sensations subtiles des lieux distants et proches qui s’épanchent et se litent par-delà le pelliculaire des formes perçues au travers d’un regard qui dodeline en épousant par un léger retard les contre reliefs des terres d’appuis. auxquels se soumettent les pas.
Elle participe de la solitude et de la sustentation du désir qui entretient à la mesure du rythme la justesse d’altitude et d’envol de la perception.
Il semble d’ailleurs qu’il existe dans ce lien vital et primordial qui nous unit au paysage une érotique primitive quasi reptilienne et chtonienne, native au sens « irruptif » et minéral du terme, qui par l’ampleur de son inscription étendue et dilatée nous lie à l’espace du monde, de son corps et de ses apparences qu ‘ il nous est donné de connaître et d’expérimenter par les spasmes, convulsions et frémissements des courbes, pentes, failles et menues aspérités de surfaces.
Dans la marche, lorsque l’allure inscrit le corps par la volonté et le souffle à la bonne vitesse et au bon tempo dans les entrelacs, les méandres, les ressauts et les déclivités du paysage, tout n’est alors que frottement, caresse ou abrasion. Le corps flambe s’embrase et se consume Plante des pieds, mollets, cuisses, fessiers, seins , croupe, abdomen, visage membres et cheveux., le corps dans son entier se frotte au monde et de manière interne participe de la même économie. Le moindre tendon, la plus petite fibre, le moindre des vaisseaux, le plus petit viscère se distend, se frotte, s’affronte, la plus insignifiante des humeurs se gorge, sort du lit ou elle se contenait et s’épanche en une étreinte soutenue aux faisceaux, attaches et tissus de son voisinage..
De même le regard fait d’absences et d’acuité, de dissolution et d’incisions, pénètre ou se pénètre des indices, formes et textures de la mandorle ourlée d’horizontales qui inscrit notre vision à la mesure du dévidé de la marche.
L’ingestion visuelle par-delà la marche, d’une haptique des modes, tessitures et densités du boisé, de l’herbu, du feuillu, du granuleux, du caillouteux, du moussu, de l’épineux renvoie à la tactilité frémissante, avivée de la vision et inscrit de fait le corps le paysage et leurs représentations visuelles dans une effervescence sensuelle qui convoque au détour d’un chemin d’un escarpement rocheux ou dunaire, « une érotique du buisson », du touffus et du filament aire. Cela induit, provoque et entretient alors l’émerveillement du désir et du ravissement des peaux et des membranes de corps paysagés où se plient, se voilent et se dérobent les attentes du monde. l